Le policier français de la brigade des stups soupçonné
d’avoir subtilisé 52 kg de cocaïne aurait, selon la télévision française, 7
appartements et chose bizarre personne ne s’est rendu compte ! Comment ce
fonctionnaire s’est-il enrichi ? Si les faits sont avérés, la réponse à
ces questions se trouve dans le pouvoir dont ce policier est investi et la
responsabilité de sa hiérarchie.
A partir de ce fait divers, vous pouvez aisément deviner les
raisons de la persistance d’importantes disparités sociales au Maroc.
Afin de mette la lumière sur quelques voies et moyens devant
mener, au moins partiellement, aux réponses aux questions sur les inégalités
sociales qui « préoccupent la patrie ou les
citoyens[1] »
et abordées par le souverain marocain dans son discours du trône de 2014, cet
article traitera du pouvoir en tant que richesse immatérielle, de la
responsabilité des stratèges dans la définition des projets et de quelques
réformes à entreprendre pour un partage équitable des richesses.
Mais auparavant, comment la vraie richesse s’est-elle
développée au Maroc ?
Un principe économique simple, veut que pour créer de la
richesse, il faut permettre à certains citoyens de s’enrichir et devenir par la
suite la locomotive de l’économie. Au Maroc ce principe s’est appliqué en 3
étapes :
Certains colons, à l’indépendance, ont récompensé leurs
salariés marocains, en leur cédant, à des prix symboliques les biens qu’ils avaient
obtenus, d’une manière ou d’une autre. Des récipiendaires, ont su fructifier leur
patrimoine et grimper dans l’échelle sociale pour devenir par la suite des
notables.
En 1973, la marocanisation du
commerce et de l'industrie, la récupération des terres des colons, la refonte
du code des investissements et surtout l’application de la règle qui
exigeait la participation des marocains au capital de toutes les sociétés étrangères, ont permis une
ascension fulgurante d’une frange de notre société. Ainsi, les vrais
entrepreneurs ont acquis une expérience appréciable sur l’économie moderne alors
que les prête-noms et les opportunistes sont devenus des rentiers en bénéficiant
de biens communs.
« Des commis se sont
retrouvés courtiers en assurances, des serveurs patrons de restaurants, des
garçons, à peine dégrossis, ont eu entre les mains des bars, brasseries qu’ils
ont vite fait de transformer en tripots. [2]»
L’abolition
de cette loi en 1983 a vu naitre des pôles structurant de l’économie marocaine.
La loi sur la privatisation votée en 1989 et mise en œuvre
de manière effective en 1993, a donné à notre économie une dimension
internationale tout en allégeant les charges du budget de l’état.
Si l’esprit louable de cette démarche était de doter le
Maroc d’une économie forte et d’aspirer à la prospérité relative pour toutes
les classes sociales, il n’en demeure pas moins que certains indélicats ont su
tirer profit des tares de ce système, engendrant par-là d’importantes
disparités sociales.
En dépit d’une conjoncture économique et géopolitique
internationale peu favorable et de la non-résolution du conflit du Sahara,
notre pays, sous la conduite de ses souverains, a enregistré une amélioration notable
des conditions de vie de ses citoyens et s’est distingué par un progrès appréciable dans tous les
domaines : l’économie, l’agriculture, les institutions politiques, la gestion
des affaires religieuses, la politique étrangère, la sécurité, le social...n’en
déplaise à certains pessimistes nationaux et à certains détracteurs internationaux.
Cependant, nous ne voilons pas la face, tout observateur
avisé peut aisément relever les écarts sociaux qui écornent l’image du Maroc.
Que faut-il faire donc pour redresser cette situation ?
C’est aussi le constat fait par le roi du Maroc, à l’occasion
de la fête du trône de 2014. Il a d’ailleurs posé, « en toute franchise, avec sincérité et objectivité[3] »,
les questions dont les réponses sont susceptibles de conduire à la prospérité et
gommer les disparités dans la répartition des richesses :
« Nos choix sont-ils
judicieux ? Quelles sont les actions à accélérer, rectifier ou réajuster ?
Quels sont les chantiers et les réformes à mettre en route ?[4] »
La réponse concise et concrète à ces questions se trouve
dans l’accélération du rythme d’application de manière rigoureuse des principes
de la gouvernance. De facto, notre démarche visant la prospérité pour tous,
sera rectifiée et réajustée en fonction de la gravité des inégalités sociales
« La gouvernance n’est pas un slogan ou des
généralités mais bel et bien une méthode de gestion des deniers de l’état ou de
l’entreprise. C’est une approche coordonnée et holistique qui oblige
l’organisation à définir ses objectifs, le rôle de chacun de ses membres et les
résultats attendus de la réalisation des projets et institue la responsabilité
individuelle à tous les échelons.[5] »
Sans dérouler toutes les étapes de la gouvernance publiées
dans un article le 05/10/2013, Je vais aborder uniquement un volet de la
richesse immatérielle, lié à toutes les formes de pouvoir, et la responsabilité
dans le contrôle et le choix judicieux des options stratégiques.
Le pouvoir en tant que richesse immatérielle.
Tout détenteur de pouvoir : Le pouvoir politique, juridique,
législatif, financier, religieux, sécuritaire, médiatique... est rémunéré par
la société d’une manière légale. De ce fait, les fonctionnaires et les salariés
perçoivent des rétributions pécuniaires à la fin de chaque mois. Soit ! On
peut toujours ergoter sur le niveau de ces rémunérations.
Le ministre, le gouverneur, le juge, le directeur, le
policier… de par leurs fonctions ont en plus, droit à des égards et à de la
considération de la part de leurs concitoyens. Voilà une richesse, cette fois intangible
et honorable, dont ils bénéficient et qui leur ouvre légalement beaucoup de
portes.
Néanmoins, les détenteurs de pouvoirs peuvent être tentés de
monnayer leurs prérogatives, constituant des richesses immatérielles. Par
exemple, des responsables, dans l’exercice de leurs fonctions, s’ils ont eu connaissance
des zones qui seront irriguées par un nouveau barrage ou des lieux
d’implantation d’une nouvelle usine ou zone urbaine, peuvent commettre un délit
d’initié, favorisant par-là, leurs familles ou ceux qui sont disposés à payer cette
information capitale pour se procurer ces domaines. De la sorte, ils privent
les petits agriculteurs ou les petits propriétaires d’un avantage qui aurait pu
changer en mieux la vie de nombreuses familles nécessiteuses. Subséquemment, toutes
les règles de la gouvernance seront piétinées. Et une classe d’indélicats, se
voit grimper l’échelle sociale et se trouver aux avant-postes, donnant aux
jeunes générations, le mauvais exemple du respect des valeurs universelles de
probité et d’équité. La voracité de ces rapaces, sans foi ni loi, devient avec
le temps sans limites et accentue les altérités sociales flagrantes.
C’est ce volet du pouvoir, que je considère comme une richesse
immatérielle, que nous devons nous tous, tout faire pour encadrer son usage
et combattre ses abus. Et à juste titre, le chef du gouvernement
marocain, usant d’une métaphore, a qualifié de « #démonset crocodiles »,
tous ceux qui détournent cette richesse à leurs profits.
Les détenteurs de pouvoirs qui s’enrichissent à vue d’œil,
sans que leurs chefs puissent se rendre compte, est un manquement incontestable
aux règles élémentaires de contrôle de gestion, exigées par la gouvernance.
La responsabilité des stratèges dans la définition des projets
Le contrôle est une responsabilité des chefs aux niveaux
élémentaires, intermédiaires et stratégiques. Ce contrôle permet de renforcer les
règles de compétitivité instituées. Règles qui doivent être justes et connus
par les différents acteurs et entrer dans le processus de création de la
richesse. Agir ainsi, ne fait qu’encourager l’égalité des chances entre
citoyens, éloigner la corruption, le népotisme et l’incompétence et édifier une
société basée sur le mérite.
La responsabilité au niveau stratégique est encore plus
grande dans la sélection des options stratégiques devant créer et répartir les richesses
de manière pérenne et équitable.
Au demeurant, l’assurance d’un choix gouvernemental
judicieux, repose sur deux conditions sine qua non : D’une part, un
laboratoire d’idée, un think tank, proactif, technique et
apolitique, au plus haut niveau, qui à partir d’une formulation claire de
l’intention du dirigeant réfléchit et propose les choix stratégiques possibles,
devant créer les richesses matérielles et immatérielles et mener les marocains
vers la prospérité. Et d’autre part, un pouvoir politique qui, en toute
connaissance de cause, décide et assume ses choix.
La responsabilité au niveau de ces deux conditions se
matérialise par : la désignation de membres émérites au think tank,
et ensuite par la prise rapide de décision finale quant aux options à mettre
en œuvre.
Si depuis plus de dix ans, les gouvernements successifs avaient
eu le courage politique de solutionner le problème du système de retraite, le
Maroc n’aurait pas aujourd’hui, à payer une lourde facture, due à l’attentisme
et l’incertitude générés par les gouvernants. La plupart des scénarios proposés
par les comités techniques est valable. Pourquoi, loin de toute bisbille politique,
ne pas en choisir un scénario et l’appliquer, quitte à le faire évoluer par la
suite en rectifiant et réajustant ses clauses au fur et à mesure.
Car les acteurs économiques, générateurs de richesses, pour
la relance de l’économie ont besoin, dans tous les domaines, de signaux forts sur
l’engagement du gouvernement, loin de tout attentisme et incertitudes.
Les réformes à entreprendre
Certes, c’est légitime de vouloir inclure toutes les
richesses du Maroc dans les critères de classement mondial reflétant sa
position réelle dans le concert des nations. Il s’agit en fait que de
statistiques que l’on peut interpréter à sa guise en faveur ou en défaveur
d’une thèse.
Seulement, c’est la réalité du terrain qui compte.
Ayant écris ces premières lignes, avant le 20 aout 2014, je
suis réconforté dans mon analyse par le discours du roi à l’occasion du l’anniversaire
de la révolution du roi et du peuple, qui disait :
« …Nous veillons à ce que
le développement économique aille de pair avec l'amélioration des conditions de
vie du citoyen marocain. En effet, Nous ne voulons pas d'un Maroc à deux
vitesses : Des riches qui bénéficient des fruits de la croissance et
s'enrichissent davantage, et des pauvres restés en dehors de la dynamique de
développement et exposés à plus de pauvreté et de privation[6] ».
Et ajoutait :
« …la patrie appartient à
tous. Le devoir commande que tous les Marocains, individuellement et
collectivement, s'impliquent fermement et résolument dans la défense
de l'unité de leur nation et s'investissent
dans le processus de développement de
leur pays ».
La défense de l'unité de nation dans les domaines
sécuritaires, politiques, médiatiques…dieu merci, est une cause qui unifie quasiment
tous les marocains de tous bords. Cependant, l’investissement dans le
développement par contre, pêche par l’attentisme, l’incertitude, le
corporatisme, l’opportunisme et les calculs politiques qui font perdre au Maroc
du temps et des moyens nécessaires pour s’ériger en pays émergeant.
L’attentisme : Étant donné que, les prérogatives
de chaque individu de la hiérarchie ne sont pas écrites et les responsabilités
ne sont pas clairement définies, comme le stipule la gouvernance, il y a peu ou
pas d’initiatives du tout. Du Chaouch au ministre tout le monde attend les directives
d’en haut pour se prémunir, le cas échéant, de l’arbitraire et des coups fourrés.
Un climat de peur s’installe donc et l’audace se meurt.
L’incertitude : l’extrait ci-après, du
discours du souverain marocain à l’occasion du 60ème
anniversaire de la révolution du roi et du peuple, concernant le système
éducatif marocain, en est une parfaite illustration de godilles :
« …il n’est pas raisonnable que
tous les cinq ans, chaque nouveau gouvernement arrive avec un nouveau plan,
faisant l’impasse sur les plans antérieurs, alors qu’il ne pourra pas exécuter
le sien intégralement, au vu de la courte durée de son mandat »
Le corporatisme : chacun dans sa corporation
fait un peu trop fi du bon sens. Les routiers s’insurgent quand le prix du
carburant augmente et bloquent la circulation pour défendre leurs intérêts,
sans se soucier des nuisances causées aux autres pans de l’économie. De même
pour les boulangers, les pharmaciens…c’est légitime de défendre sa corporation,
toutefois exprimer des doléances raisonnables, tenant compte de l’intérêt
suprême du pays, c’est faire montre d’un sens élevé de patriotisme.
L’opportunisme : les prestations, dans tous les
domaines, sont fournies ou pas seulement en fonction des intérêts des
prestataires. Souvent, des textes règlementaires ne voient le jour que s’ils
sont bénéfiques à leurs initiateurs. Tout autour de nous, des énergumènes sont
toujours là à l’affut d’occasions pour profiter des failles du système au
détriment de la morale.
Les calculs politiques : l’exemple sur la
réforme des régimes de retraite, cité plus haut, en est le parfait exemple de
calcul politique qui entrave le processus de développement du Maroc.
En conséquence, « Quels
sont les chantiers et les réformes à mettre en route[7] »
pour réduire les disparités
sociales : Le constat est fait, les écueils sont connus et les études font
légion.
Le marocain comme tous les autres êtres humains, a besoin d’emploi,
de droits, de dignité et de liberté. Il est donc en quête
de justice sociale, telle qu’elle est définie par les Nations Unies :
« La justice sociale est
fondée sur l’égalité des droits pour tous les peuples et la possibilité pour
tous les êtres humains sans discrimination de bénéficier du progrès économique
et social partout dans le monde. Promouvoir la justice sociale ne consiste pas
simplement à augmenter les revenus et à créer des emplois. C’est aussi une
question de droits, de dignité et de liberté d’expression pour les travailleurs
et les travailleuses, ainsi que d’autonomie économique, sociale et politique[8] ».
La réforme de la justice marocaine et l’application
stricte de la gouvernance, sont deux chantiers d’une importance capitale
dans les réformes mises en route. Il faut entreprendre rapidement et sans
hésitation un changement des cadences de ces deux réformes, afin d’assurer aux
citoyens des droits, de la dignité et de la liberté. De ce fait, un
environnement propice au développement est créé, dans tous les domaines
politiques, économiques…
S’agissant de l’emploi,
le site Doing Business[9]
contient tous les critères entrant dans l’amélioration du climat des affaires
au Maroc. Un environnement économique sain, est une garantie pour drainer l’investissement
et créer l’emploi et générer la richesse escomptée.
A la lumière des statistiques et des études nationales et
internationales publiées, il faut avoir le courage et la volonté politique de passer
à l’action. Osons ! Osons ! Ayons de l’audace et de la
rigueur !
« Tout ce que tu peux faire
ou rêves de faire, entreprends-le. L'audace est porteuse de génie, de pouvoir
et de magie [10]».
L’entreprise Maroc
réussira inéluctablement et afin « d’atteindre
les plus hauts sommets et de se mettre au diapason des nations avancées[11] »,
elle doit agir vite et agir avec
l’esprit d’entreprenariat. Restons alerte pour défendre les
constantes immuables de la nation. Consolidons nos acquis
institutionnels. Domptons le volet intangible du pouvoir. Responsabilisons
encore plus les acteurs politiques, économiques…Sortons de l’attentisme, de
l’incertitude, du corporatisme, de l’opportunisme et des calculs politiques qui
entravent la marche de notre cher pays, vers le progrès et la prospérité de ses
citoyens. Telles sont les réformes à engager pour gagner ce défi.
« Tant que nous ne nous engageons pas, le
doute règne, la possibilité de se rétracter demeure et l’inefficacité prévaut
toujours [12]».
[1] Discours du trône 2014
[2] Jamal Berraoui La Vie économique du 25/02/2005
[3] Discours du trône 2014
[4] Discours du trône 2014
[5] Article de l’auteur sur http://sekiat.blogspot.com/
[6] Discours à l'occasion du 61ème anniversaire de la
Révolution du Roi et du Peuple. 20 août 2014 - LE MATIN
[7] Discours du trône 2014
[8] http://www.un.org/fr/events/socialjusticeday/background.shtml
[9]
http://francais.doingbusiness.org/data/exploreeconomies/morocco/
[10] The Scottish Himalayan Expedition, 1951”, W.H. Murray
http://pissenlitsgenereux.blogspot.com/
[11] Discours à l'occasion du 61ème
anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple. 20 août 2014 - LE
MATIN
[12] The Scottish Himalayan Expedition, 1951”, W.H. Murray
http://pissenlitsgenereux.blogspot.com/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire