Tous les
marocains se sentent offusqués par la publicité négative faite à notre pays par
l’état de la pelouse du complexe sportif Moulay Abdellah, à l’occasion de la
coupe du monde des clubs de 2014, organisée au Maroc. Les médias même les plus
sérieux ont déploré cette mascarade. Faut-il s’étonner ? Surement pas ;
le ver est dans le fruit. Au Maroc, on a
rien compris à la gouvernance et l’article 159 de la constitution de 2011, en
est la preuve.
Lors du talkshow
du lundi 15/12/14, sur Radio Mars, un consultant, lui avait tout compris en
disant qu’un tel impair n’est pas spécifique au domaine sportif, mais il touche
tous les domaines de l’infrastructure à commencer par les nids de poules sur la
chaussée devant chez lui. Il a ajouté, à raison d’ailleurs : c’est un
manque de reddition des comptes.
La machine
conjoncturelle a commencé à fonctionner et on parle sur les médias du limogeage de telle ou telle personne, de la mise en place de commissions d’enquête et de demande de
comptes. Ceci est tout à fait normal si un grain de sable fortuit avait mis à
mal la machine.
Mais si l’achat
de de cette machine s’est fait de gré à gré sans suivre aucune procédure réglementaire
de manière effective, il faut s’attendre inéluctablement à des manquements. En
outre, une fois cette machine acquise, elle doit être tout le long de sa vie
faire l’objet de vérifications internes et externes pour s’assurer de son bon
fonctionnement et de connaitre à l’avance toutes les améliorations à faire pour
garder au moins le rendement pour lequel elle a été conçue et surtout achetée.
Si la machine consomme trop ou elle n’offre pas tout à fait les prestations
voulues alors, soit elle est défectueuse, soit de par sa conception ne répond
pas aux besoins prévus soit des fautes ou des erreurs ont été commises par le
personnel responsable.
Cette métaphore
illustre bien le processus de détection des responsabilités.
Sur papier nous
avons tous les moyens pour être cités parmi les pays les plus avancés. La
réalité est autre. Par exemple nous avons un nombre considérable de partis
politiques, donc on peut se targuer d’avoir du multipartisme. En réalité la
quasi-totalité des partis n’a pas de programme politique conforme aux normes ni
un processus démocratique effectif de prise de décision, ni des règles claires
de partage du pouvoir. C’est une réalité qui touche tous les pans de notre
société.
Le problème est
dans notre conduite schizophrénique, nous n’arrivons pas à résoudre nos
problèmes de manière rationnelle car nous voulons paraitre moderne et en même
temps nous nous accrochons aux avantages que nous sommes habitués à avoir, en
faisant fi des règles de gouvernance universelles.
En effet, le
préambule de la constitution 2011 stipule « Fidèle à son choix
irréversible de construire un État de droit démocratique, le Royaume du Maroc
poursuit résolument le processus de consolidation et de renforcement des
institutions d'un État moderne, ayant pour fondements les principes de
participation, de pluralisme et de bonne gouvernance.».
Deux autre
articles renforce cette idée merveilleuse, en l’occurrence l’article premier et
l’article 157 de la constitution :
Article premier.
…Le régime
constitutionnel du Royaume est fondé sur la séparation, l'équilibre et la collaboration
des pouvoirs, ainsi que sur la démocratie citoyenne et participative, et les
principes de bonne gouvernance et de la corrélation entre la
responsabilité et la reddition des comptes…
Article 157.
« Une
charte des services publics fixe l'ensemble des règles de bonne gouvernance relatives au
fonctionnement des administrations publiques, des régions et des autres
collectivités territoriales et des organismes publics ».
Mais malheureusement,
tout ceci est verrouillé par un contre sens et une incompréhension totale de la
gouvernance dans l’Article 159, qui décrète que « Les instances en
charge de la bonne gouvernance sont indépendantes. Elles bénéficient de
l'appui des organes de l'État. La loi pourra, si nécessaire, créer d'autres
instances de régulation et de bonne gouvernance ».
Du coup, en jugeant
nécessaire d’avoir des « instances en charge de la bonne gouvernance »
et de vouloir créer « d'autres instances de régulation et de bonne
gouvernance », nous sommes loin des principes de gouvernance
mondialement connus.
Si on nomme un
individu à un poste on lui donne les moyens pour effectuer une mission, on est tenu
de lui définir des objectifs clairs et mesurables. La gouvernance, à son niveau, est qu’il atteigne
ces objectifs de manière efficiente, c’est à dire aux moindres couts. Pour ce
faire ce responsable délègue explicitement ses prérogatives à ses subordonnées,
mais c’est à lui qu’échoit la mission de contrôle de la réalisation de la
mission pour laquelle il a été investi. Il doit contrôler et rendre compte à l’échelon
supérieur, car il est le seul qui est comptable vis-à-vis de ceux qui l’on
désigné à son poste. De même, ses supérieurs ont la responsabilité d’opérer un contrôle
externe pour confirmer ou infirmer les données des comptes rendus reçus.
Le paradoxe c’est
vouloir créer des instances de gouvernance, une usine à gaz, c’est une hérésie,
c’est une conception contraire aux principes de la gouvernance qui est une
démarche structurelle à toute organisation : « La gouvernance n’est pas
un slogan ou des généralités mais bel et bien une méthode de gestion des
deniers de l’état ou de l’entreprise. C’est une approche coordonnée et
holistique qui oblige l’organisation à définir ses objectifs, le rôle de chacun
de ses membres et les résultats attendus de la réalisation des projets et
institue la responsabilité individuelle à tous les échelons[i] ».
Seul le contrôle externe
qui doit être confié de manière systématique à des instances externes, dans le
cas de services de l’état au Maroc, c’est la cour des comptes. Pour le privé c’est
des audites faites par des cabinets spécialisés.
Une autre usine à
gaz, le Conseil Economique, Social et Environnemental[ii] (CESE)
se fourvoie en préconisant :
« Pour en
garantir la cohérence, la transversalité et l’intégration à l’ensemble des
services publics, sans rupture dans la chaîne, ni télescopage dans les
compétences, le CESE recommande un pilotage assuré sous l’autorité directe du
Chef du Gouvernement. Il ne s’agit pas de créer une nouvelle entité ou
structure juridique, mais plutôt d’une instance qui réunit les responsables et
les compétences concernés par la gouvernance des services publics ».
Un autre paradoxe,
une fois les contrôle internes ou externes sont effectuées, ils n’aboutissent
généralement à aucune sanction ou à des sanctions en deçà des fautes commises. Encourageant
ainsi, l’instauration d’un climat d’impunité et poussant d’autres énergumènes
de se surpasser dans l’art de traire la vache.
C’est cette
impunité qui a poussé les responsables de la rénovation du complexe Moulay
Abdellah, des infrastructures routières endommagées lors des inondations du
mois de novembre 2014, les responsables des nids de poules devant chez le
consultant de la radio casablancaise… de sévir et de sévir encore, car les
mailles des filets du contrôle rigoureux et de la justice impartiale sont trop
larges pour eux.
Il n’y a pas de
compromis avec le contrôle et les sanctions. Tout ou rien comme disait, Nelson Mandela: “I
simply could not compromise. Something inside me would not let me”.