jeudi 18 décembre 2014

Entre Gouvernance et vindicte populaire



Tout le monde veut la tête du ministre de la jeunesse et des sports.
Soit, mais quelle preuve ? Si on se veut être considéré comme un état de droit alors, la preuve de ses manquements, s’ils sont avérés, est à présenter à qui de droit.
Une enquête doit déterminer son implication effective ou non dans la mascarade du complexe Moulay Abdellah. Cependant, ne nous lançons pas derrière ces médias qui sont ou bien véreux ou bien non professionnels, qui jettent consciemment ou inconsciemment l’honneur des individus à la vindicte populaire.
Je ne défends nullement ce ministre, mais plutôt je défends les principes de la gouvernance, qui instaurent la reddition des comptes et prévoient des sanctions administratives et financières et le cas échant des sanctions pénales.
Un ancien militaire me disait un jour, pour enterrer un projet, il suffit de le mettre en commission. Dans notre cas, la commission d’enquête ne doit nullement se précipiter pour présenter des résultats bâclés ou orientés, mais prendre le temps, qu’il est jugé nécessaire, pour déterminer les responsabilités à tous les échelons. C’est à l’issue, que les responsables administratifs tireront les conclusions qui s’imposent.
La gouvernance entre aussi dans la composition de cette commission et dans les délais d’enquête. C’est cette étape de la gouvernance qui est normalement précisée par une charte, conformément à l’Article 157 de la constitution.
« Une charte des services publics fixe l'ensemble des règles de bonne gouvernance relatives au fonctionnement des administrations publiques, des régions et des autres collectivités territoriales et des organismes publics ».
Notre ministre est innocent jusqu’à preuve du contraire. L’éthique et la beauté de la fonction, dont on rêve tous, exige qu’un ministre démissionne ou se fait démissionner, dès qu’il sent que sa responsabilité directe ou indirecte est engagée.

mardi 16 décembre 2014

La gouvernance au Maroc entre paradoxe et hérésie



Tous les marocains se sentent offusqués par la publicité négative faite à notre pays par l’état de la pelouse du complexe sportif Moulay Abdellah, à l’occasion de la coupe du monde des clubs de 2014, organisée au Maroc. Les médias même les plus sérieux ont déploré cette mascarade. Faut-il s’étonner ? Surement pas ; le ver est dans le fruit.  Au Maroc, on a rien compris à la gouvernance et l’article 159 de la constitution de 2011, en est la preuve.

Lors du talkshow du lundi 15/12/14, sur Radio Mars, un consultant, lui avait tout compris en disant qu’un tel impair n’est pas spécifique au domaine sportif, mais il touche tous les domaines de l’infrastructure à commencer par les nids de poules sur la chaussée devant chez lui. Il a ajouté, à raison d’ailleurs : c’est un manque de reddition des comptes.

La machine conjoncturelle a commencé à fonctionner et on parle sur les médias du limogeage de telle ou telle personne, de la mise en place de commissions d’enquête et de demande de comptes. Ceci est tout à fait normal si un grain de sable fortuit avait mis à mal la machine.


Mais si l’achat de de cette machine s’est fait de gré à gré sans suivre aucune procédure réglementaire de manière effective, il faut s’attendre inéluctablement à des manquements. En outre, une fois cette machine acquise, elle doit être tout le long de sa vie faire l’objet de vérifications internes et externes pour s’assurer de son bon fonctionnement et de connaitre à l’avance toutes les améliorations à faire pour garder au moins le rendement pour lequel elle a été conçue et surtout achetée. Si la machine consomme trop ou elle n’offre pas tout à fait les prestations voulues alors, soit elle est défectueuse, soit de par sa conception ne répond pas aux besoins prévus soit des fautes ou des erreurs ont été commises par le personnel responsable.

Cette métaphore illustre bien le processus de détection des responsabilités.

Sur papier nous avons tous les moyens pour être cités parmi les pays les plus avancés. La réalité est autre. Par exemple nous avons un nombre considérable de partis politiques, donc on peut se targuer d’avoir du multipartisme. En réalité la quasi-totalité des partis n’a pas de programme politique conforme aux normes ni un processus démocratique effectif de prise de décision, ni des règles claires de partage du pouvoir. C’est une réalité qui touche tous les pans de notre société.

Le problème est dans notre conduite schizophrénique, nous n’arrivons pas à résoudre nos problèmes de manière rationnelle car nous voulons paraitre moderne et en même temps nous nous accrochons aux avantages que nous sommes habitués à avoir, en faisant fi des règles de gouvernance universelles.

En effet, le préambule de la constitution 2011 stipule « Fidèle à son choix irréversible de construire un État de droit démocratique, le Royaume du Maroc poursuit résolument le processus de consolidation et de renforcement des institutions d'un État moderne, ayant pour fondements les principes de participation, de pluralisme et de bonne gouvernance.».

Deux autre articles renforce cette idée merveilleuse, en l’occurrence l’article premier et l’article 157 de la constitution :

Article premier.

…Le régime constitutionnel du Royaume est fondé sur la séparation, l'équilibre et la collaboration des pouvoirs, ainsi que sur la démocratie citoyenne et participative, et les principes de bonne gouvernance et de la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes…

Article 157.

« Une charte des services publics fixe l'ensemble des règles de bonne gouvernance relatives au fonctionnement des administrations publiques, des régions et des autres collectivités territoriales et des organismes publics ».

Mais malheureusement, tout ceci est verrouillé par un contre sens et une incompréhension totale de la gouvernance dans l’Article 159, qui décrète que « Les instances en charge de la bonne gouvernance sont indépendantes. Elles bénéficient de l'appui des organes de l'État. La loi pourra, si nécessaire, créer d'autres instances de régulation et de bonne gouvernance ».

Du coup, en jugeant nécessaire d’avoir des « instances en charge de la bonne gouvernance » et de vouloir créer « d'autres instances de régulation et de bonne gouvernance », nous sommes loin des principes de gouvernance mondialement connus.

Si on nomme un individu à un poste on lui donne les moyens pour effectuer une mission, on est tenu de lui définir des objectifs clairs et mesurables. La gouvernance, à son niveau, est qu’il atteigne ces objectifs de manière efficiente, c’est à dire aux moindres couts. Pour ce faire ce responsable délègue explicitement ses prérogatives à ses subordonnées, mais c’est à lui qu’échoit la mission de contrôle de la réalisation de la mission pour laquelle il a été investi. Il doit contrôler et rendre compte à l’échelon supérieur, car il est le seul qui est comptable vis-à-vis de ceux qui l’on désigné à son poste. De même, ses supérieurs ont la responsabilité d’opérer un contrôle externe pour confirmer ou infirmer les données des comptes rendus reçus.

Le paradoxe c’est vouloir créer des instances de gouvernance, une usine à gaz, c’est une hérésie, c’est une conception contraire aux principes de la gouvernance qui est une démarche structurelle à toute organisation : « La gouvernance n’est pas un slogan ou des généralités mais bel et bien une méthode de gestion des deniers de l’état ou de l’entreprise. C’est une approche coordonnée et holistique qui oblige l’organisation à définir ses objectifs, le rôle de chacun de ses membres et les résultats attendus de la réalisation des projets et institue la responsabilité individuelle à tous les échelons[i] ».

Seul le contrôle externe qui doit être confié de manière systématique à des instances externes, dans le cas de services de l’état au Maroc, c’est la cour des comptes. Pour le privé c’est des audites faites par des cabinets spécialisés.

Une autre usine à gaz, le Conseil Economique, Social et Environnemental[ii] (CESE) se fourvoie en préconisant :

« Pour en garantir la cohérence, la transversalité et l’intégration à l’ensemble des services publics, sans rupture dans la chaîne, ni télescopage dans les compétences, le CESE recommande un pilotage assuré sous l’autorité directe du Chef du Gouvernement. Il ne s’agit pas de créer une nouvelle entité ou structure juridique, mais plutôt d’une instance qui réunit les responsables et les compétences concernés par la gouvernance des services publics ».

Un autre paradoxe, une fois les contrôle internes ou externes sont effectuées, ils n’aboutissent généralement à aucune sanction ou à des sanctions en deçà des fautes commises. Encourageant ainsi, l’instauration d’un climat d’impunité et poussant d’autres énergumènes de se surpasser dans l’art de traire la vache.

C’est cette impunité qui a poussé les responsables de la rénovation du complexe Moulay Abdellah, des infrastructures routières endommagées lors des inondations du mois de novembre 2014, les responsables des nids de poules devant chez le consultant de la radio casablancaise… de sévir et de sévir encore, car les mailles des filets du contrôle rigoureux et de la justice impartiale sont trop larges pour eux.

Il n’y a pas de compromis avec le contrôle et les sanctions. Tout ou rien comme disait, Nelson Mandela: “I simply could not compromise. Something inside me would not let me”.







[i] C’est quoi donc la bonne Gouvernance ? Article publié sur sekiat.blogspot.com


[ii] www.cese.ma