Il y a des sujets de polémiques qui ne doivent nullement être inclus dans les débats politiques aux fins de populisme et de la recherche des voix à tout prix, même au détriment des intérêts suprêmes du Maroc
Toute prise de décision demande une grande réflexion, il n’est
pas facile d’être fixé sur un choix juste et rationnel. Souvent, il est plus
aisé de choisir une voie radicale ou extrémiste que de rester en équilibre
entre deux eaux. Certainement pas un équilibre de passivité et de conservatisme,
mais celui de la symbiose, du respect de l’autre et qui répond aux intérêts
suprêmes de l’état. C’est cette voie que la majorité des marocains semblent
préférer.
Une monarchie absolue ou une monarchie sans pouvoir ; une
économie libérale ou une économie planifiée ; des références religieuses
ou des références laïques ; être moderne ou être traditionnel ; la
race berbère ou la race l’arabe…ce choix manichéen ne rentre pas dans la
doctrine marocaine.
Malgré la complexité et la sensibilité des sujets, cet
article, à travers une analyse de ces dilemmes, d’une manière tout à fait non
partisane, montrera que, malgré quelques voix discordantes, les marocains en
générale optent pour une troisième voie celle de la modération et de la
tolérance en tout.
Une monarchie absolue ou une monarchie sans pouvoir
La monarchie absolue est un système politique révolu,
quoique dans certaines situations exceptionnelles, telles que un état de siège
ou un état guerre, le roi peut confisquer tous les pouvoirs pour faire face aux
périls de son royaume, si cette disposition est consignée dans la constitution.
Les Fqih du droit constitutionnel parlent d’une monarchie
constitutionnelle lorsque la constitution du pays confère au roi les
prérogatives du pouvoir exécutif. Ces prérogatives sont soigneusement explicitées
par des lois organiques.
S’agissant de la monarchie parlementaire, la responsabilité
du pouvoir exécutif est alors entre les mains d’un chef du gouvernement, nommé par
roi en tant que chef de l’état.
Actuellement le système politique marocain ne rentre dans
aucun cas de figures évoquées plus haut. C’est la singularité du Maroc
D’ailleurs, dans la pratique, même les systèmes politiques
du Royaume-Uni, de la Belgique et de l’Espagne, ne correspondent pas exactement
aux deux définitions académiques de la monarchie.
La constitution marocaine de 2011 a défini le système
politique marocain, d’une manière unique, qui reflète la recherche de
l’équilibre des pouvoirs. Notre régime
politique est donc : « une monarchie
constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale ».
On ne peut que souligner l’habileté des rédacteurs de ce
document réglementaire. Ils ont cerné la forme du pouvoir d’une manière concise
tout en laissant aux dahirs et aux lois organiques le soin de fixer les
prérogatives des acteurs politiques.
Ainsi le roi gouverne et conformément à la constitution (Art
42), il « remplit ces missions au moyen de
pouvoirs qui lui sont expressément dévolus par la présente Constitution et
qu’il exerce par dahir ». Le chef de l’exécutif est le chef du
gouvernement, qui est comptable devant le parlement des missions du pouvoir
pour lequel il est investi.
Le choix marocain est un choix savant conférant à chacun une
partie des pouvoirs tout en donnant au roi les rôles de : « Chef de l’Etat, son Représentant suprême, Symbole de l’unité de
la Nation, Garant de la pérennité et de la continuité de l’Etat et Arbitre
suprême entre ses institutions ».
Certes, une clarification des attributions des détenteurs de
pouvoirs est prévue dans les lois organiques, main afin d’éviter le vide
juridique et toute polémique inutile sur la séparation des pouvoirs, il y a
lieu d’accélérer la conception et l’adoption de ces lois organiques et de rassembler,
dans un seul document, les articles de la constitution et les dahirs qui
définissent les prérogatives du roi.
Une économie libérale ou une économie planifiée
Économie libérale, capitalisme et économie de marché sont
des concepts évolutifs qui reposent sur une intervention minime de l’état dans
l’économie, l’investissement est essentiellement privé et la loi de l’offre et
de la demande contrôle le marché. Néanmoins, l’état veille aux règles de la concurrence
loyale. Par contre dans l’économie planifiée l’état décide de ce que va être
produit en fonction de ses besoins stratégiques et non en fonction du marché.
Dans la pratique, aucune de ces deux options n’est viable,
elles ne sont que des chimères dans les esprits de certains utopistes et leurs
adeptes. Le libéralisme sauvage et sans garde-fous est un désastre pour les
consommateurs. Il est source d’inégalité et la cause de beaucoup de crises dans
les pays ayant opté pour ce système, telle que la crise de 1929.
De l’autre côté, on voit même les pères fondateurs du
socialisme, en l’occurrence Lénine & Co, et déjà dans les années 20, ont
fait marche arrière, en réintroduisant l’initiative privée(NEP) dans leur
économie, compte tenu des déboires d’une économie planifiée et centralisée.
D’un côté, heureusement pour le Maroc qui a opté dès
l’indépendance, contre vents et marées, pour une économie libérale. Car elle
correspond mieux aux traditions d’une population de commerçants et d’artisans.
De l’autre côté, malheureusement, avec la montée en puissance des courants
socialistes et communistes dans années 60 et 70, la société marocaine a été
atteinte d’une Schizophrénie sur ses choix du système économique, ce qui a
conduit le pays, dès 1980, vers le Programme d’Ajustement Structurel (PAS),
imposé par le FMI.
Depuis lors et avec la chute du mur de Berlin, les pays
socialistes ont introduit beaucoup plus d’initiative privée dans leur économie
et les pays, à économie libérale, sont devenus beaucoup plus attentifs aux
problèmes sociaux liés à l’économie.
C’est cette dernière option que le Maroc a adopté, en
essayant d’atténuer les conséquences de la loi du marché sur les couches
sociales les plus défavorisée : par la subvention des denrées alimentaires
de première nécessité, à travers la caisse de compensation, et par la lutte contre la pauvreté, la précarité et
l’exclusion sociale, en lancement l’Initiative Nationale de Développement
Humain (INDH). Ce choix est une marque du Maroc car l’INDH est devenue
structurelle, comme l’a annoncé le souverain marocain dans son discours du 18
mai 2005 : « L'Initiative nationale pour le
développement humain n'est ni un projet ponctuel, ni un programme conjoncturel
de circonstance. C'est un chantier de règne, ouvert en permanence ».
Nonobstant toutes les critiques, ces deux initiatives ont eu
relativement des effets bénéfiques sur la population. Cet effort est louable
mais il est perfectible, en réformant ce qui est à réformer et en appliquant,
avec méthode et rigueur, les règles de la bonne gouvernance à ces deux initiatives.
Références religieuses ou des références laïques
La sensibilité de ce thème, en ce moment, n’est nullement
une excuse pour ne pas l’aborder.
Seulement il est à traiter avec toute l’objectivité qui s’impose.
L’Angleterre, des siècles durant, a voulu imposer le
protestantisme comme religion d’état, à une population catholique de l’Irlande.
C’est cette volonté qui a imprégné de références religieuses, dès 1960, le
conflit de l’Irlande du Nord. En outre, la chute du régime du Shah d’Iran, a vu
la montée de l’islam radical. Cette montée d’identité confessionnelle a vu aussi
naitre des états islamiques ou se clamant en tant que tel.
Au niveau des partis politiques les références spirituelles
ne sont pas rares : en Allemagne, l’Union Chrétienne Démocrate
(CDU) ; en Italie, l’Union des Démocrates Chrétiens (UDC) ; au
Québec, Parti Démocratie Chrétienne du Québec (PDCQ) ; en Israël,
SHASS ; en Turquie, Parti de Justice et Développement (AKP) ; en Tunisie ;
NAHDA ; en Egypte ; ANNOUR et les Frères Musulmans...
Si des partis de certains pays occidentaux sont moins
enclins à afficher et imposer leurs références spirituelles dans les décisions
politiques, il en est autrement dans les pays musulmans. Les partis essayent de
rendre la religion comme facteur central de la gestion des affaires de l’état. Certains
partis islamistes ont même réussi à imposer la religion dans la conduite des
affaires de l’état, d’autres essayent avec plus ou moins de bonheur.
Dans un climat de cristallisation de l’opinion publique et
des acteurs politiques sur la religion, le débat a été ouvert sur la laïcité
des institutions.
Le port du foulard dans les écoles était en Europe un sujet
de vives polémiques et a suscité des débats et des passions.
Le choix de la laïcité est adopté par plusieurs pays,
néanmoins les réminiscences de la période ou les états
européens avaient des références religieuses
sont toujours là. Beaucoup de chefs d’états prêtent encore sermon sur des
livres sacrés.
L’exemple le plus édifiant, en matière de
référence, est celui de la Turquie. Mustafa Kemal
Atatürk, en 1922 a introduit dans la constitution la laïcité et il l’a
appliqué. Il a poussé même son désir d’occidentalisation, jusqu’a changer les
lettres de l’alphabet de la langue turque, de l’arabe au latin. Actuellement
avec l’AKP au pouvoir, on voit un retour aux origines confessionnelles de la
civilisation turque, à commencer par les effets vestimentaires au plus haut
niveau de l’état.
Au Maroc, la référence à la religion est une question
centrale dans la vie politique. En effet, sur toutes les constitutions du
royaume, l’islam est déclaré comme étant la religion de l’état. D’ailleurs, la
constitution de 2011 stipulé dans son article 3 que : « L’Islam est
la religion de l’Etat, qui garantit à tous le libre exercice des cultes ».
Le roi institutionnellement, commandeur des croyants est « garant
du libre exercice des cultes… Garant de la pérennité et de la continuité
de l’état et arbitre suprême entre ses institutions ».
C’est cette garantie et cet arbitrage institutionnel qui
assurent au Maroc un équilibre entre le religieux et le laïc. Même si le débat
qui a eu lieu lors de la refonte du code de la famille (Moudawana) a suscité
des passions, mais à la fin un consensus a été trouvé.
Le principe sur lequel s’est basée la rédaction du texte
adopté est que toute disposition ayant une base juridique expressément définie
par le livre saint est appliquée telle quelle, pour le reste il est à la diligence
des ulémas et des érudits du droit.
C’est ce principe simple qui prévaut pour conduire les
affaires de l’état sans avoir à se définir d’une manière tranchée et dyadique
sur les références religieuses ou laïques.
Malgré des stéréotypes dépeints par certaines plumes non
averties et l’ambivalence que cela peut engendrer, l’introduction de la
constitution de 2011 remet les pendules à l’heure : « La prééminence accordée à la religion musulmane dans ce
référentiel national va de pair avec l’attachement du peuple marocain aux
valeurs d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la
compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde ».
Etre moderne ou être traditionnel
La modernité a été toujours un slogan et un état d’esprit.
Pour certain ils se disent moderne parce qu’ils ont peint leurs cheveux en
rouge, ou ils se sont tatoués le corps, ou ils ont fumés des pétards…ceux-ci ne
sont que des marques externes, des étiquettes et des slogans, loin de l’état
d’esprit qui donne aux individus une ouverture sur les autres cultures et les autres
civilisations et une ouverture sur la technologie et le savoir. C’est la
réussite dans les domaines technologiques, économiques et financiers qui
caractérise la fascination que l’on peut avoir pour le Japon moderne. C’est
réellement admirable de voir le japonais en costume trois pièces dans la
journée et le kimono le soir.
D’autres pays et de même pour certaines personnes, ils se sont
empêtrés dans les traditions soient ils sont hantés par le passé ou soient ils
n’ont pas les moyens intellectuels ou financiers de se libérer du passé. On
constate qu’en Afrique, le combat contre l’excision des petites filles est
ardu, vu le poids des traditions.
Des marocains, une minorité, sont à fond dans ce qui a de
bon dans la modernité et aussi dans ses travers. Une autre minorité,
malheureusement regarde plus vers l’orient vers le passé en mimant d’obscures
traditions d’ailleurs.
Heureusement, la majorité des marocains sont à l’aise dans
les deux mondes sans aller à l’excès dans un sens comme dans l’autre. Autant,
ils sont fiers de veiller à leurs traditions culturelles, vestimentaires,
culinaires... autant ils sont, de par la position géographique du Maroc et leur
civilisation ancestrale, ouverts aux autres civilisations et aux autres idées,
avec des garde-fous qui les préservent des excès.
Ils sont comme l’agriculture, il y a encore des agriculteurs
qui utilisent l’araire en bois attelé à des bestiaux pour labourer leurs champs
et d’autres sont passé à l’agriculture moderne, mécanisée et ayant recours à la
technologie de pointe, à la recherche de la productivité et la rentabilité pour
faire face à la demande du marché. Cependant, le marocain aime bien un produit agricole
ayant bénéficié de la technologie moderne, mais sans que ses qualités
gustatives traditionnelles soient altérées.
La race berbère ou la race arabe
Un jour j’étais témoin d’une discussion très animée entre
deux personnes. L’une était très fière de son arabité et l’autre l’était encore
plus de sa berbérité. Les arguments ne manquaient pas d’un côté comme de
l’autre. Las d’entendre un débat stérile et sans fondements scientifiques mais
plutôt des préjugés qu’autres choses, j’ai décidé d’intervenir, en posant au
prétendu arabe la question : de quelle région du Maroc êtes-vous ?
La réponse était : je suis de Doukkala. Qu’elle fut sa surprise quand je
lui annoncé qu’historiquement, la tribu Doukkala, Chiadma, Abda, Chaouia…sont des
tribus berbères arabisées. L’autre antagoniste son nom de famille est « Aarab »,
qui signifie « l’arabe » en berbère. Je lui ai expliqué que partout
au Maroc quand quelqu’un vient d’une autre région ou d’un autre pays on lui
attribue une épithète désignant cette origine. Ainsi on trouve des noms de
Meknassi pour la ville de Meknès, d’Ouarzazi pour la ville d’Ouarzazate, d’Iraqi
pour l’Iraq et que donc ses aïeux sont venus dans une tribu berbère et comme
ils ne parlaient que l’arabe ils ont acquis cette épithète Aarab. D’où,
logiquement il est d’origine arabe.
Ces deux individus devant la logique historique se sont
rendu compte de la perte de temps dans des discussions stériles.
Cette histoire anecdotique montre bien que le choix entre la
race arabe et la race berbère est difficile. Si on a recourt aux tests ADN de
chaque individu, il y aura certainement des surprises. Et même avec ces tests,
le dilemme reste entier. A quel pourcentage de sang arabe ou berbère qui coule
dans les veines on est considéré berbère ou arabe ou autre. Cet autre sang
n’est pas à exclure, car le Maroc, tout le long de son histoire, a vu
l’arrivée, en plus des arabes, des vandales, des byzantins, des romains, des
africains noirs…
Le marocain le vrai, ne renie ni sa berbérité ni son arabité
il est les deux à la fois. Il se dit : si par hasard l’autre sang ne coule
pas dans mes veines, sa civilisation et sa culture est en moi dans les
profondeurs de mon âme.
Tous ces sujets sont des sujets académiques. Ils ne doivent
nullement être inclus dans les débats politiques aux fins de populisme et de la
recherche des voix à tout prix, même au détriment des intérêts suprêmes du
Maroc
Il serait plus judicieux d’agir pour neutraliser tous ceux
qui freinent le progrès du pays, que de perdre son temps dans la polémique
stérile.
En somme Le Maroc aux confluents des civilisations, arabe,
berbère, juive, européenne… et aux croisées des chemins Nord-Sud,
Europe-Afrique ; Est-Ouest, Orient- Occident a su faire la synthèse et en se
positionnant au barycentre de la modération et de la tolérance. ;;
Pourvue que ça dure !
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