mercredi 18 septembre 2013

Le Royaume de la modération et de la tolérance


Il y a des sujets de polémiques qui ne doivent nullement être inclus dans les débats politiques aux fins de populisme et de la recherche des voix à tout prix, même au détriment des intérêts suprêmes du Maroc

Toute prise de décision demande une grande réflexion, il n’est pas facile d’être fixé sur un choix juste et rationnel. Souvent, il est plus aisé de choisir une voie radicale ou extrémiste que de rester en équilibre entre deux eaux. Certainement pas un équilibre de passivité et de conservatisme, mais celui de la symbiose, du respect de l’autre et qui répond aux intérêts suprêmes de l’état. C’est cette voie que la majorité des marocains semblent préférer.
Une monarchie absolue ou une monarchie sans pouvoir ; une économie libérale ou une économie planifiée ; des références religieuses ou des références laïques ; être moderne ou être traditionnel ; la race berbère ou la race l’arabe…ce choix manichéen ne rentre pas dans la doctrine marocaine.
Malgré la complexité et la sensibilité des sujets, cet article, à travers une analyse de ces dilemmes, d’une manière tout à fait non partisane, montrera que, malgré quelques voix discordantes, les marocains en générale optent pour une troisième voie celle de la modération et de la tolérance en tout.

Une monarchie absolue ou une monarchie sans pouvoir

La monarchie absolue est un système politique révolu, quoique dans certaines situations exceptionnelles, telles que un état de siège ou un état guerre, le roi peut confisquer tous les pouvoirs pour faire face aux périls de son royaume, si cette disposition est consignée dans la constitution.
Les Fqih du droit constitutionnel parlent d’une monarchie constitutionnelle lorsque la constitution du pays confère au roi les prérogatives du pouvoir exécutif. Ces prérogatives sont soigneusement explicitées par des lois organiques.
S’agissant de la monarchie parlementaire, la responsabilité du pouvoir exécutif est alors entre les mains d’un chef du gouvernement, nommé par roi en tant que chef de l’état.
Actuellement le système politique marocain ne rentre dans aucun cas de figures évoquées plus haut. C’est la singularité du Maroc
D’ailleurs, dans la pratique, même les systèmes politiques du Royaume-Uni, de la Belgique et de l’Espagne, ne correspondent pas exactement aux deux définitions académiques de la monarchie.
La constitution marocaine de 2011 a défini le système politique marocain, d’une manière unique, qui reflète la recherche de l’équilibre des pouvoirs.  Notre régime politique est donc : « une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale ».
On ne peut que souligner l’habileté des rédacteurs de ce document réglementaire. Ils ont cerné la forme du pouvoir d’une manière concise tout en laissant aux dahirs et aux lois organiques le soin de fixer les prérogatives des acteurs politiques.
Ainsi le roi gouverne et conformément à la constitution (Art 42), il « remplit ces missions au moyen de pouvoirs qui lui sont expressément dévolus par la présente Constitution et qu’il exerce par dahir ». Le chef de l’exécutif est le chef du gouvernement, qui est comptable devant le parlement des missions du pouvoir pour lequel il est investi.
Le choix marocain est un choix savant conférant à chacun une partie des pouvoirs tout en donnant au roi les rôles de : « Chef de l’Etat, son Représentant suprême, Symbole de l’unité de la Nation, Garant de la pérennité et de la continuité de l’Etat et Arbitre suprême entre ses institutions ».
Certes, une clarification des attributions des détenteurs de pouvoirs est prévue dans les lois organiques, main afin d’éviter le vide juridique et toute polémique inutile sur la séparation des pouvoirs, il y a lieu d’accélérer la conception et l’adoption de ces lois organiques et de rassembler, dans un seul document, les articles de la constitution et les dahirs qui définissent les prérogatives du roi.

Une économie libérale ou une économie planifiée 

Économie libérale, capitalisme et économie de marché sont des concepts évolutifs qui reposent sur une intervention minime de l’état dans l’économie, l’investissement est essentiellement privé et la loi de l’offre et de la demande contrôle le marché. Néanmoins, l’état veille aux règles de la concurrence loyale. Par contre dans l’économie planifiée l’état décide de ce que va être produit en fonction de ses besoins stratégiques et non en fonction du marché.
Dans la pratique, aucune de ces deux options n’est viable, elles ne sont que des chimères dans les esprits de certains utopistes et leurs adeptes. Le libéralisme sauvage et sans garde-fous est un désastre pour les consommateurs. Il est source d’inégalité et la cause de beaucoup de crises dans les pays ayant opté pour ce système, telle que la crise de 1929.
De l’autre côté, on voit même les pères fondateurs du socialisme, en l’occurrence Lénine & Co, et déjà dans les années 20, ont fait marche arrière, en réintroduisant l’initiative privée(NEP) dans leur économie, compte tenu des déboires d’une économie planifiée et centralisée.
D’un côté, heureusement pour le Maroc qui a opté dès l’indépendance, contre vents et marées, pour une économie libérale. Car elle correspond mieux aux traditions d’une population de commerçants et d’artisans. De l’autre côté, malheureusement, avec la montée en puissance des courants socialistes et communistes dans années 60 et 70, la société marocaine a été atteinte d’une Schizophrénie sur ses choix du système économique, ce qui a conduit le pays, dès 1980, vers le Programme d’Ajustement Structurel (PAS), imposé par le FMI.
Depuis lors et avec la chute du mur de Berlin, les pays socialistes ont introduit beaucoup plus d’initiative privée dans leur économie et les pays, à économie libérale, sont devenus beaucoup plus attentifs aux problèmes sociaux liés à l’économie.
C’est cette dernière option que le Maroc a adopté, en essayant d’atténuer les conséquences de la loi du marché sur les couches sociales les plus défavorisée : par la subvention des denrées alimentaires de première nécessité, à travers la caisse de compensation, et par la  lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale, en lancement l’Initiative Nationale de Développement Humain (INDH). Ce choix est une marque du Maroc car l’INDH est devenue structurelle, comme l’a annoncé le souverain marocain dans son discours du 18 mai 2005 : « L'Initiative nationale pour le développement humain n'est ni un projet ponctuel, ni un programme conjoncturel de circonstance. C'est un chantier de règne, ouvert en permanence ».
Nonobstant toutes les critiques, ces deux initiatives ont eu relativement des effets bénéfiques sur la population. Cet effort est louable mais il est perfectible, en réformant ce qui est à réformer et en appliquant, avec méthode et rigueur, les règles de la bonne gouvernance à ces deux initiatives.

Références religieuses ou des références laïques

La sensibilité de ce thème, en ce moment, n’est nullement une excuse pour ne pas l’aborder.  Seulement il est à traiter avec toute l’objectivité qui s’impose.
L’Angleterre, des siècles durant, a voulu imposer le protestantisme comme religion d’état, à une population catholique de l’Irlande. C’est cette volonté qui a imprégné de références religieuses, dès 1960, le conflit de l’Irlande du Nord. En outre, la chute du régime du Shah d’Iran, a vu la montée de l’islam radical. Cette montée d’identité confessionnelle a vu aussi naitre des états islamiques ou se clamant en tant que tel.
Au niveau des partis politiques les références spirituelles ne sont pas rares : en Allemagne, l’Union Chrétienne Démocrate (CDU) ; en Italie, l’Union des Démocrates Chrétiens (UDC) ; au Québec, Parti Démocratie Chrétienne du Québec (PDCQ) ; en Israël, SHASS ; en Turquie, Parti de Justice et Développement (AKP) ; en Tunisie ; NAHDA ; en Egypte ; ANNOUR et les Frères Musulmans... 
Si des partis de certains pays occidentaux sont moins enclins à afficher et imposer leurs références spirituelles dans les décisions politiques, il en est autrement dans les pays musulmans. Les partis essayent de rendre la religion comme facteur central de la gestion des affaires de l’état. Certains partis islamistes ont même réussi à imposer la religion dans la conduite des affaires de l’état, d’autres essayent avec plus ou moins de bonheur.
Dans un climat de cristallisation de l’opinion publique et des acteurs politiques sur la religion, le débat a été ouvert sur la laïcité des institutions.
Le port du foulard dans les écoles était en Europe un sujet de vives polémiques et a suscité des débats et des passions.
Le choix de la laïcité est adopté par plusieurs pays, néanmoins les réminiscences de la période ou les états européens avaient des références religieuses sont toujours là. Beaucoup de chefs d’états prêtent encore sermon sur des livres sacrés.
L’exemple le plus édifiant, en matière de référence, est celui de la Turquie. Mustafa Kemal Atatürk, en 1922 a introduit dans la constitution la laïcité et il l’a appliqué. Il a poussé même son désir d’occidentalisation, jusqu’a changer les lettres de l’alphabet de la langue turque, de l’arabe au latin. Actuellement avec l’AKP au pouvoir, on voit un retour aux origines confessionnelles de la civilisation turque, à commencer par les effets vestimentaires au plus haut niveau de l’état.
Au Maroc, la référence à la religion est une question centrale dans la vie politique. En effet, sur toutes les constitutions du royaume, l’islam est déclaré comme étant la religion de l’état. D’ailleurs, la constitution de 2011 stipulé dans son article 3 que : « L’Islam est la religion de l’Etat, qui garantit à tous le libre exercice des cultes ».
Le roi institutionnellement, commandeur des croyants est « garant du libre exercice des cultes… Garant de la pérennité et de la continuité de l’état et arbitre suprême entre ses institutions ».
C’est cette garantie et cet arbitrage institutionnel qui assurent au Maroc un équilibre entre le religieux et le laïc. Même si le débat qui a eu lieu lors de la refonte du code de la famille (Moudawana) a suscité des passions, mais à la fin un consensus a été trouvé.
Le principe sur lequel s’est basée la rédaction du texte adopté est que toute disposition ayant une base juridique expressément définie par le livre saint est appliquée telle quelle, pour le reste il est à la diligence des ulémas et des érudits du droit.
C’est ce principe simple qui prévaut pour conduire les affaires de l’état sans avoir à se définir d’une manière tranchée et dyadique sur les références religieuses ou laïques.
Malgré des stéréotypes dépeints par certaines plumes non averties et l’ambivalence que cela peut engendrer, l’introduction de la constitution de 2011 remet les pendules à l’heure : « La prééminence accordée à la religion musulmane dans ce référentiel national va de pair avec l’attachement du peuple marocain aux valeurs d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde ».

Etre moderne ou être traditionnel 

La modernité a été toujours un slogan et un état d’esprit. Pour certain ils se disent moderne parce qu’ils ont peint leurs cheveux en rouge, ou ils se sont tatoués le corps, ou ils ont fumés des pétards…ceux-ci ne sont que des marques externes, des étiquettes et des slogans, loin de l’état d’esprit qui donne aux individus une ouverture sur les autres cultures et les autres civilisations et une ouverture sur la technologie et le savoir. C’est la réussite dans les domaines technologiques, économiques et financiers qui caractérise la fascination que l’on peut avoir pour le Japon moderne. C’est réellement admirable de voir le japonais en costume trois pièces dans la journée et le kimono le soir.
D’autres pays et de même pour certaines personnes, ils se sont empêtrés dans les traditions soient ils sont hantés par le passé ou soient ils n’ont pas les moyens intellectuels ou financiers de se libérer du passé. On constate qu’en Afrique, le combat contre l’excision des petites filles est ardu, vu le poids des traditions.
Des marocains, une minorité, sont à fond dans ce qui a de bon dans la modernité et aussi dans ses travers. Une autre minorité, malheureusement regarde plus vers l’orient vers le passé en mimant d’obscures traditions d’ailleurs.
Heureusement, la majorité des marocains sont à l’aise dans les deux mondes sans aller à l’excès dans un sens comme dans l’autre. Autant, ils sont fiers de veiller à leurs traditions culturelles, vestimentaires, culinaires... autant ils sont, de par la position géographique du Maroc et leur civilisation ancestrale, ouverts aux autres civilisations et aux autres idées, avec des garde-fous qui les préservent des excès.
Ils sont comme l’agriculture, il y a encore des agriculteurs qui utilisent l’araire en bois attelé à des bestiaux pour labourer leurs champs et d’autres sont passé à l’agriculture moderne, mécanisée et ayant recours à la technologie de pointe, à la recherche de la productivité et la rentabilité pour faire face à la demande du marché. Cependant, le marocain aime bien un produit agricole ayant bénéficié de la technologie moderne, mais sans que ses qualités gustatives traditionnelles soient altérées.

La race berbère ou la race arabe

Un jour j’étais témoin d’une discussion très animée entre deux personnes. L’une était très fière de son arabité et l’autre l’était encore plus de sa berbérité. Les arguments ne manquaient pas d’un côté comme de l’autre. Las d’entendre un débat stérile et sans fondements scientifiques mais plutôt des préjugés qu’autres choses, j’ai décidé d’intervenir, en posant au prétendu arabe la question : de quelle région du Maroc êtes-vous ? La réponse était : je suis de Doukkala. Qu’elle fut sa surprise quand je lui annoncé qu’historiquement, la tribu Doukkala, Chiadma, Abda, Chaouia…sont des tribus berbères arabisées. L’autre antagoniste son nom de famille est « Aarab », qui signifie « l’arabe » en berbère. Je lui ai expliqué que partout au Maroc quand quelqu’un vient d’une autre région ou d’un autre pays on lui attribue une épithète désignant cette origine. Ainsi on trouve des noms de Meknassi pour la ville de Meknès, d’Ouarzazi pour la ville d’Ouarzazate, d’Iraqi pour l’Iraq et que donc ses aïeux sont venus dans une tribu berbère et comme ils ne parlaient que l’arabe ils ont acquis cette épithète Aarab. D’où, logiquement il est d’origine arabe.
Ces deux individus devant la logique historique se sont rendu compte de la perte de temps dans des discussions stériles.
Cette histoire anecdotique montre bien que le choix entre la race arabe et la race berbère est difficile. Si on a recourt aux tests ADN de chaque individu, il y aura certainement des surprises. Et même avec ces tests, le dilemme reste entier. A quel pourcentage de sang arabe ou berbère qui coule dans les veines on est considéré berbère ou arabe ou autre. Cet autre sang n’est pas à exclure, car le Maroc, tout le long de son histoire, a vu l’arrivée, en plus des arabes, des vandales, des byzantins, des romains, des africains noirs…
Le marocain le vrai, ne renie ni sa berbérité ni son arabité il est les deux à la fois. Il se dit : si par hasard l’autre sang ne coule pas dans mes veines, sa civilisation et sa culture est en moi dans les profondeurs de mon âme.
Tous ces sujets sont des sujets académiques. Ils ne doivent nullement être inclus dans les débats politiques aux fins de populisme et de la recherche des voix à tout prix, même au détriment des intérêts suprêmes du Maroc
Il serait plus judicieux d’agir pour neutraliser tous ceux qui freinent le progrès du pays, que de perdre son temps dans la polémique stérile.
En somme Le Maroc aux confluents des civilisations, arabe, berbère, juive, européenne… et aux croisées des chemins Nord-Sud, Europe-Afrique ; Est-Ouest, Orient- Occident a su faire la synthèse et en se positionnant au barycentre de la modération et de la tolérance. ;;
Pourvue que ça dure !

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